Les religions et les civilisations ont donné et
Les religions et les civilisations ont donné et donnent toujours leurs réponses à la question essentielle , condition sine qua non pour le bonheur de l'humanité , et cette question est : faut-il être heureux en acceptant l'existence du mal ou en le refusant totalement ? le Christianisme et l'Islam , faisant oeuvre d'une certaine forme de renoncement , sont des religions qui s'accomodent du mal : pour elles le paradis n'est pas de ce monde , en conséquence de quoi elles l'attendent dans l'au-delà ; les Républiques laïques font de même et avec elle toutes les civilisations sauf une , une seulement n'admet pas l'imperfection ( le mal ) du monde , persiste à croire depuis plus de cinq mille ans que l'on peut la vaincre ici-bas , sur terre , en politique et dans nos sociétés , persiste à penser que le paradis est possible dans notre monde à la fois spirituel et matériel , cette civilisation unique et qui survit malgré les multiples tentatives historiques pour l'éteindre , c'est le Judaïsme . La singularité de la morale juive réside dans la croyance au paradis terrestre ; c'est pourquoi le salut y est recherché par tous les moyens qu'offre la culture humaine , par les sciences , la philosophie , la politique et les arts : l'esprit juif s'exerce bien au-delà de la religion juive , son amour du bien et son aversion pour le mal sont partout , exprimés avec force depuis Abraham par des hommes dont les noms sont célèbres , Jésus ( en tant que Juif non en tant que son message a été déformé par une grande partie du Christianisme officiel ) , Bergson , Einstein , Blum et bien d'autres . L'esprit juif , cela ne veut pas dire les Juifs car certains d'entre eux renoncent à l'exigence du paradis terrestre ; par exemple David Ben Gourion , en déclarant au moment de la création de l'Etat d'Israël , qu'il trouvait normal et souhaitable , pour que cet Etat soit accepté par la communauté internationale , qu'il ait ses prostituées et ses voleurs , abandonne l'âme juive et de ce fait , jette le soupçon sur la valeur et la légitimité du projet sioniste , fortement mis à mal en effet par sa contradiction : cet Etat , tout en s'attribuant le nom messianique d'Israël ( littéralement il signifie " qui combat avec et pour Dieu " , donc pour le paradis terrestre et conséquemment contre tout mal ) s'en détache en même temps ! mais de tout temps les Juifs ont généralement voulu être en contradiction avec eux-mêmes ; c'est que promettre le paradis terrestre aux hommes constitue une tâche titanesque , c'est pourquoi l'élection juive a si souvent été abandonné par nombre de Juifs . Allons plus loin encore : j'attribue la naissance du Christianisme et de l'Islam à la déception des peuples vis-à vis de ce qu'ils virent comme étant la promesse juive non-tenue ; le Christianisme et l'Islam , religions nées du Judaïsme , disent aux Juifs : puisque vous nous avez déçus en ne nous apportant pas le paradis terrestre que vous nous promettiez , alors nous n'y croyons plus et nous le remplaçons par des sociétés moyennement heureuses , des sociétés du compromis avec le mal , des sociétés de la résignation trouvant cependant leur lot de consolation dans l'espérance d'un paradis hypothétique post-mortem . Pourtant , malgré cette déception quasi universelle et millénaire , malgré le détestable antisémitisme protéiforme et récurrent qui en a résulté , le Judaïsme a survécu et on peut le comprendre car il reste que le paradis réel convainc bien plus les hommes que des faux paradis : il reste que même les ennemis des Juifs savent , derrière le mensonge qu'ils se font à eux-mêmes et aux autres , que le Judaïsme a raison : l'essence de l'Homme c'est d'être fait pour le bien et de détester le mal ; donc tout homme de bonne volonté est déjà juif et tout juif de mauvaise volonté n'est plus juif ; il y a équivalence entre l'Humanité et le Judaïsme ; les antisémites , dès lors , sont bizarrement des humains ennemis de l'humain , ce sont des suicidaires . Tous les conflits politiques s'expliquent en grande partie par l'attente déçue du paradis terrestre ; un exemple typique en est le paradoxe des guerres entre des religions qui adorent pourtant le même Dieu : s'étant réfugiées chacunes dans des déformations rassurantes du paradis et de la morale , elles s'affrontent parce qu'elles sentent qu'elles ont tort ensemble , même si ce n'est pas de la même manière .
